19 mai 2021

La Numérisation du Patrimoine Culturel

Par Ingrid Buchard

Que peuvent bien avoir en commun les mausolées de Tombouctou au Mali, les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan ou encore la cathédrale Notre Dame de Paris ou la ville de Mossoul en Irak?

Et bien, toutes ces œuvres ont un jour disparu. Ou presque … car heureusement il existe le patrimoine numérique.

Le patrimoine numérique, de quoi parlons-nous ?

D’après Wikipédia le patrimoine numérique désigne toute image, tout document, toute peinture ou contribution artistique, architecturale… ou de manière générale, tout objet pouvant être numérisé.

Toujours d’après Wikipédia, l’Unesco définit le patrimoine numérique de la manière suivante : le patrimoine numérique est constitué de matériaux fondés sur l’informatique, d’une valeur durable, qu’il est nécessaire de conserver pour les générations futures. Il émane de communautés, de régions, d’industries et de secteurs différents. Tous les matériaux numériques ne sont pas de valeur durable mais, ceux qui le sont, exigent des méthodes actives de préservation si l’on veut que la continuité du patrimoine numérique soit assurée.

Les initiatives européennes soutiennent aujourd’hui fortement la numérisation des musées dans leur intégralité, garantissant ainsi leur durabilité, et offrant également la possibilité de partager ces bâtiments et objets par des voies numériques.

On peut aussi noter que le terme de Patrimoine Numérique n’est pas uniquement réservé à la numérisation des monuments historiques ou des œuvres d’art. Il concerne également les entreprises. Chaque entreprise, multinationale, TPE/PME ou start-up construit petit à petit son patrimoine. Les fiches de payes, les comptes de résultat, ou les mots de passe des réseaux sociaux par exemple, constituent ce patrimoine.

Le patrimoine numérique, depuis quand ? Et pour quoi faire ?

Elodie Legrands, de l’Université de Strasbourg, explique dans un article pour #Savoir(S), que la numérisation des ressources culturelles est une politique récente. Elle date du début des années 90 plus exactement. Ses deux objectifs principaux sont la conservation pérenne du patrimoine, et un accès à un public plus large et plus diversifié.

Toujours selon Elodie Legrand, lorsque des documents rares, parfois uniques, sont fragiles ou abîmés, la numérisation est une bonne solution de remplacement. Cela permet de garantir leur accès et leur utilisation. La numérisation permet aussi de mettre en avant des trésors qui peuvent être accessibles en quelques clics. La multiplication des points d’entrée facilite d’ailleurs les recherches. Par exemple, les fichiers mis en ligne sur la bibliothèque du SCD (Service commun de la documentation) sont également accessibles sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF.

Élodie Legrand nous apprend aussi que les collaborations avec les chercheurs sont une véritable plus-value scientifique. Le SCD (Service Commun de la Documentation) est par exemple engagé dans un projet de numérisation de photographies d’archéologie et de pièces de monnaie antiques. Les compétences des chercheurs sont bien sûr indispensables pour identifier ces objets et créer les métadonnées correspondantes.

Exemple et cas d’usage ? La reconstruction de Notre Dame

Candice Berton, dans son article publié sur LinkedIn le 20 avril 2020, nous explique que c’est un professeur d’art américain du nom de Andrew Tallon, décédé en 2018, qui a fait les premiers relevés 3D de Notre Dame.

En passionné de l’édifice qu’il était, Andrew Tallon a procédé par lasergrammétrie.C’est-à-dire qu’il a procédé à un relevé par scanner laser 3D. Cela permet d’obtenir, sans toucher d’objet, de grandes scènes en 3 dimensions. C’est dans les années 2010, pour le projet “Mapping Gotting” qu’il a scanné les moindre recoins de la cathédrale. Son but était de comprendre les secrets de construction de l’édifice. Il voulait également connaître les modifications apportées au cours du temps. Andrew Tallon a réussi à récupérer 1 milliard de points, avec une précision extrême de 5 millimètres.

Candice Berton explique également que, trois jours après l’incendie de Notre-Dame, une équipe d’Art graphique & Patrimoine (AGP) est entrée dans la cathédrale pour repérer ce qui avait résisté aux flammes. Ce travail immense a dû se faire très rapidement, car le bâtiment menaçait de s’effondrer par endroit. “On ne peut mesurer que ce que l’on voit » explique Gaël Hamon le fondateur de la société AGP. Il explique que c’est grâce à des drones qu’ils ont réussi à terminer le travail afin d’avoir une vue de dessus. Tout ce travail a permis la construction de maquettes numériques.

Les informations pour la reconstruction sont également venues de là où on ne les attendaient pas forcément. C’est grâce à des photos, et après 5.000 heures de travail, que la société Ubisoft, l’éditeur de jeux vidéos, avait déjà recréé la cathédrale. Et pourquoi en avait-elle besoin ? Pour son jeu Assassin’s Creed Unity, Ubisoft avait reconstitué la cathédrale afin que les joueurs puissent arpenter Notre Dame. Au lendemain de l’incendie, et afin d’apporter sa contribution, Ubisoft a offert le téléchargement du jeu pour aider à la reconstruction du bâtiment.

Et pour aller plus loin ?

En 2016, la Cour pénale de La Haye a reconnu comme crime de guerre la destruction des Mausolées de Tombouctou. Grâce à la numérisation du site, leur reconstruction s’est terminée en 2015.

En 2018, l’IMA (Institut du Monde Arabe) créait une exposition nommée “Cités Millénaires”, complètement virtuelle, dans laquelle tu pouvais te promener dans les sites disparus de la ville d’Alep par exemple. La numérisation s’est faite juste après la bataille, avant le nettoyage

Un vrai débat existe cependant sur la reconstruction de ces œuvres disparues… Faut-il les reconstruire ? Et si oui, faut-il le faire comme à l’origine bien que l’on ne le connaisse généralement pas ? Ou bien faut-il les reconstruire comme avant leur destruction ? Ou alors, faut-il les restaurer ? Parce que cette destruction fait, elle aussi, partie de l’histoire de ce monument.

Et toi, tu en pense quoi ? reconstruction ou restauration ?

Un peu de de lecture

https://www.art-critique.com/2019/03/pauline-werth-numerisation-patrimoine/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrimoine_num%C3%A9rique
https://www.art-critique.com/2019/03/pauline-werth-numerisation-patrimoine/
https://savoirs.unistra.fr/patrimoine/de-linteret-des-collections-pour-une-universite/conserver-diffuser-valoriser-les-trois-piliers-de-la-numerisation/
https://www.franceculture.fr/numerique/palmyre-alep-mossoul-les-enjeux-de-la-numerisation-du-patrimoine-menace
https://www.vie-publique.fr/rapport/34849-evaluation-de-la-politique-publique-de-numerisation-des-ressources-cultu
https://www.franceculture.fr/societe/la-destruction-des-mausolees-de-tombouctou-jugee-comme-un-crime-de-guerre
https://www.linkedin.com/pulse/les-enjeux-num%C3%A9riques-derri%C3%A8re-la-reconstruction-de-paris-berton/
https://www.imarabe.org/fr/expositions/cites-millenaires

Photo by Mathieu Perrier on Unsplash